La story Peyresq
Peyresq, petit village des Alpes de Haute Provence, est un endroit idéal pour se ressourcer, se rapprocher de la nature et perpétuer l'implantation de la communauté Gembloutoise dans cet endroit idyllique depuis maintenant 50 ans ! Le cercle Agro-Peyresq y possède une maison (Cérès) et un studio (Virgile), qui sous garantie de réservation préalable, fournissent un pied à terre confortable et chaleureux, été comme hiver, pour les amoureux de la montagne.
Historique du Village
C’est au bord d'une falaise rocheuse, dominant la Vaïre et le torrent du Ray (affluents du Var), à 1528m d'altitude, à la limite entre les terres cultivables et les alpages, que commence il y a environ mille ans l’histoire peu commune de ce petit village que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « Peyresq ».
La naissance de Perets
Les premières traces de construction sur cet éperon rocheux datent du début du XIème siècle : on y mentionne en effet un château dit « de Perets » pour défendre le bourg de La Colle Saint Michel.
Le village, lui, fut fondé en 1232, sur ordre du Comte de Provence Raymond Béranger V (1200-1245) pour constituer un point fort plus puissant que l'ancien castrum de La Colle Saint-Michel. Perets, proche de la frontière séparant le Comté de Provence du Comté de Savoie, appartient alors aux Rostang de Thorame, vassaux du Compte de Provence, qui y occupent un château seigneurial.
L'église, de style roman tardif et avec ses pierres plates issues du Grand Coyer tout proche, fut aussi construite en ce XIIIe siècle. Elle fut confiée à des moines bénédictins de saint Dalmas de Pédona, en Italie. Ces moines semblent être restés à Peyresq jusqu'au XVe siècle.
En 1300, l’activité pastorale était déjà bien présente dans le village : deux bergers y gardaient 1140 brebis et 450 agneaux en transhumance hivernale.
Dans le milieu du XIVème siècle, la peste noire faisait rage sur le continent, tuant près d’un européen sur trois. Perets ne fit pas exception, et en 1348 le village fut dépeuplé par l’épidémie. En 1387, la seigneurie de Perets passa aux Villeneuve, et devint alors la seigneurie de Peiresc.
Peiresc, sentinelle de la Provence
L’année suivante, la sécession de Nice et Barcelonnette entraîna le rattachement d'une partie du Comté de Provence au Comté de Savoie, faisant de Peiresc une seigneurie provençale située sur une marche frontière. Des bornes de pierre sur lesquelles étaient gravées d'un côté la croix de Savoie et de l'autre la fleur de lis, signalaient la frontière. On peut encore en voir une au col des Champs. Cette position frontalière durera près de 500 ans (jusqu'en 1860). La vallée de la Vaïre resta provençale grâce à la résistance d'Annot tandis que celle du haut Verdon (Allos) devint savoisienne. Colmars devint ville frontière au nord et Entrevaux garda la frontière dans la vallée du Var. Entre Colmars et Entrevaux, la frontière passait au lac de Lignin. Pour remercier Annot d'avoir verrouillé la vallée de la Vaïre, le comte de Provence y installa une viguerie[1] dont dépendirent jusqu'en 1789 les communautés de Peyresq, La Colle, Méailles, Argenton, Braux et Saint Benoît.
[1] Une viguerie ou vicaria est une juridiction administrative médiévale dans le Sud de la France et en Catalogne. Elle tient son nom de celui du lieu où elle était rendue, le vicus, c'est-à-dire le bourg, d'une certaine importance, sans être obligatoirement pour autant un chef-lieu de cité.
Un document daté du 27 janvier 1695, dans les archives du village de Peyresq. On peut y lire « Je soussigné en qualité de Procureur de Mr. Gabriel Creyffel, Sieur de la Mote Luffan (?), Conseiller du Roi, Trefoi et Général des [...] de ce Païs de Provence en la Viguerie de Annot […] »
En 1481, date du rattachement de la Provence au Royaume de France, on comptait 28 feux dans le village, soit environ 100 habitants.
En 1506, Peiresc fut intégré dans le Marquisat de Trans accordé au Seigneur de Peiresc, Louis de Villeneuve (1445-1516), par le Roi Louis XII.
A partir du XV siècle, le morcellement des fiefs se poursuivant au gré des héritages, Peiresc appartint à divers co-seigneurs dont, de 1604 à 1637, à Nicolas Claude Fabri de Peiresc (1580-1637), homme illustre qui contribua et contribue toujours au rayonnement du village dans le monde.
Durant la seconde moitié du 17ème siècle, la famille L'Enfant fut co-seigneur de Peiresc, suivie au 18ème siècle par la famille Bayol.
En 1693, le village comptait 47 chefs de famille, soit 237 habitants et en 1727, 22.000 moutons traversaient le village de Peyresq dans le cadre de la transhumance.
C’est en 1713 que Mathieu Bayol légua ses biens à la communauté villageoise peyrescane en contrepartie d'une pension annuelle de 1650 livres et de deux "quintaux" de fromage (94kg). La seigneurie de Peiresc devint ainsi un simple mode de propriété, conservant un caractère purement honorifique.
De 1760 à 1860, Peiresc, devenu entretemps Peyresq (« le pierreux ») resta toujours marche frontière entre la France et le Comté de Nice alors inclus au royaume de Piémont-Sardaigne. Un douanier résida même à Peyresq jusqu'en 1866.
En 1765, le village abritait 59 familles. Fin de ce siècle, on y cultivait le blé, l'orge, le lupin et la pomme de terre.
La période révolutionnaire abolit en 1789 et 1793 les droits seigneuriaux et découpa la France en départements. Peyresq fut ainsi rattaché au département des Basses-Alpes, avec Digne comme chef-lieu. Les montagnards de la Vaïre participèrent peu aux guerres révolutionnaires, étant peu enthousiastes à abandonner le "magau" (la houe) pour prendre le fusil. Les Peyrescans se réjouissaient de la disparition des privilèges mais étaient mécontents des impôts, de la conscription et des excès de la Terreur. D'ailleurs, les excès révolutionnaires n'avaient guère atteint Peyresq.
Après l'invasion en 1792 du Comté de Nice par les révolutionnaires français, Peyresq ne fut plus village frontière durant 22 ans, c'est-à-dire jusqu'à la chute de Napoléon en 1815 et au rétablissement du royaume de Piémont-Sargaigne.
En 1860, le Traité de Turin, signé entre Napoléon III et le roi de Piémont-Sardaigne, rattacha le Comté de Nice définitivement à la France et Peyresq cessa de jouer la sentinelle de la Provence, puis de la France, face au Duché de Savoie devenu royaume de Piémont-Sardaigne.
L’apogée, puis le déclin
En 1865, le village est à son apogée : 251 habitants. Commence alors l'exode rural, favorisé par la construction d'une voie de chemin de fer entre Dignes et Nice : le train des Pignes (les pignes sont les pommes de pin qui servaient à alimenter la chaudière de la locomotive). La frontière située depuis 1388 à Entrevaux n'existant plus, Peyresq et la vallée de la Vaïre s'ouvrirent à nouveau vers la vallée du Var et vers Nice. Ainsi, en 1906, le village ne comptait plus que 108 habitants.
En 1870, quatre Peyrescans moururent durant la guerre contre la Prusse et en 1885 un autre disparut durant l'expédition en Chine.
Avec la Troisième République et l'organisation de l'enseignement primaire, l'esprit républicain se développa peu à peu. A la fin du XIXe siècle, la vie villageoise fut marquée par la lutte épique entre F.DELONCLE et B. de CASTELLANE pour conquérir le siège de député.
En 1914, le tocsin sonna le début de la Grande Guerre ; les gendarmes vinrent chercher les hommes (dont six moururent) et une période très dure commença pour les femmes, les enfants et les personnes âgées restées à Peyresq. Elles durent rentrer les récoltes et assurer les travaux durs : travail inhumain qui marqua tout une génération d'adolescents qui quitteront Peyresq après la guerre. Les veuves et les orphelins quittèrent aussi le village. En 1932, il restait 17 habitants à Peyresq, l'école ayant été fermée entretemps.
Durant la seconde Guerre mondiale, Peyresq accueillit des réfractaires au travail obligatoire en Allemagne. Anciens peyrescans, ils revenaient se cacher dans leur famille. En outre, l'isolement de Peyresq joua encore en la faveur des habitants car rares sont les villages de France où les Allemands n'ont pas mis les pieds. Le village continua de se dépeupler, et au recensement de 1950, il ne compte plus que trois habitants : le maire, son épouse et leur fille.
La renaissance de Peyresq
Les guerres et l'exode rural vers une Côte d'Azur en développement vidèrent inexorablement les villages des hautes vallées où depuis tant de siècles des familles résignées avaient perpétué une civilisation agropastorale solidaire. Les maisons abandonnées étaient de plus en plus menacées, le poids de la neige écroulant les toitures, le gel déchaussant les murs.
C'est ainsi qu'en 1952, après avoir parcouru les 4 km de la route sinueuse qui ne mène que là, Georges Lambeau, architecte, découvrit Peyresq encore habité par le maire et sa petite famille, quelques moutons, autant de chèvres, des murs lézardés et de nombreux toits effondrés. Dépeuplé mais non abandonné. Il était directeur de l'Académie des Beaux-Arts de Namur et cherchait un mas pour ressourcer périodiquement ses étudiants. Il tomba sous le charme de ce village perdu dont le bois de mélèze des rares toits restés intacts et les murs de pierre rude se confondaient avec la roche grise d'où ils étaient issus. Parmi la cinquantaine de bâtisses que connu le village, seules quelques unes tenaient encore fragilement debout.
S'il est immédiatement séduit par ce site à l'agonie, Georges se sent aussi comme investi d'une mission : ne pas laisser mourir Peyresq. Mais ce projet dépasse ses moyens. Aussi, dès son retour en Belgique, il fait part de son entreprise naissante à un ami bruxellois, Toine Smets, épris d'humanisme et de rencontres internationales, dont il connaît les attaches avec l'ensemble du monde universitaire. D'emblée, c'est l'enthousiasme.
Tous deux décidèrent d'unir leurs efforts tant financiers que techniques, pour reconstruire Peyresq, dans le but d'y réunir des étudiants, artistes et scientifiques, en un foyer d'humanisme rayonnant.
Au printemps suivant, la visite de Peyresq fut décidée. Georges, accompagné de Toine et sa femme Mady, sont accueilli sur la place par le Maire Joseph Imbert. Cette visite conforte l'idée de départ de reconstruire ce village et d'en faire un lieu de rencontre humaniste international. Dès juillet 1953, une petite équipe de l'Académie de Namur arriva à Peyresq dans une camionnette bien remplie et entreprit courageusement de déblayer le sol d'une des maisons encore debout, mais couverte par le souvenir du passage de milliers de moutons.
En 1954, la camionnette d'Elise Lambeau embarqua un voyageur sur la route de Digne, Pierre Lamby, jeune architecte et l'emporta jusqu'à Peyresq. Pierre embrassa le projet et devint l'architecte de la renaissance du village, appuyé par un jeune entrepreneur local, René Simon. L'architecte guida la reconstruction en respectant les principes et les matériaux de l'architecture provençale, conservant ainsi l'aspect originel du village.
Pour encourager et réaliser le projet de bâtir ce foyer d'humanisme et international, les pionniers, Georges et Toine, jugèrent nécessaire de constituer une ASBL, dénommée Pro-Peyresq, ayant pour tâche de guider la reconstruction du village afin de converger vers les objectifs fixés. L'acquisition des ruines et des maisons aux toits effondrés apparut rapidement comme un impératif urgent. Nos pionniers donnèrent le coup d'envoi.
Le président Toine Smets fut un mécène persévérant. Il permit entre autres l'achat des premières maisons, dont il fit don par la suite à l'Union des Anciens Etudiants de l'Université Libre de Bruxelles en échange de bourses de séjour en faveur des étudiants participant à la reconstruction du village de Peyresq, ce qui contribua à la réussite du projet.
Nos deux pionniers furent rapidement suivis par les étudiants dynamiques qui entraînèrent leurs groupements : de l'Université de Bruxelles d'abord, de Gembloux, de Mons, de Liège, et l'Association des Tables Rondes. L'Académie de Bruxelles rejoignit les étudiants de l'Académie de Namur, présents dès le départ.
Si bien que Peyresq trouva sa formule de survie, une fédération de groupes. Chaque groupe étant propriétaire de sa ruine, la relevait à son rythme, à condition de suivre les conseils avisés de l'architecte et du maçon, René Simon.
S'il est difficile d'imaginer aujourd'hui cette reconstruction du village de Peyresq, outre Georges, Elise, Toine, Pierre, René et les étudiants-bâtisseurs, il faut aussi rendre hommage à toutes les bonnes volontés qui supportèrent ce projet avec enthousiasme : secrétaires, trésoriers, économes, chefs de chantier, animateurs, cuisiniers, administrateurs, ainsi que les autorités administratives communales, régionales, départementales… qui firent confiance aux bâtisseurs de Peyresq.
C'est bien la raison profonde qui, depuis 1954, a engendré la longue suite de petits et grands miracles qui permirent à Peyresq de renaître, de vivre et de rayonner.
Aujourd'hui, les peyrescans de souche, les bâtisseurs et chaque nouveau peyrescan forment la nouvelle communauté villageoise, revivifiée par la civilisation des loisirs et la bénéfique activité d'une communauté universitaire belge.
Sources:
- "PEYRESQ : l'extraordinaire destin d'un village des Alpes Provençales" de Louise NAVELLO-SGARAVIZZI, 1992
- www.peiresc.org (Livre édité à l'occasion des 50 ans de la reconstruction du village)
L'Odyssée Gembloutoise
L'histoire trouve son origine à Gembloux, en été 1960, quand Ir. Jean-Paul BARTIER (1965), alors lapin, est invité par un ami à aller remettre en état une maison en ruine dans un village des Alpes de Haute Provence, après les traditionnelles réjouissances de juin.
Ainsi, par un beau jour d’été trois gais lurons, notre lapin accompagné de deux amis embarquèrent dans une voiture pour arriver après deux jours de voyage au carrefour du Col St Michel pour emprunter la route communale menant à PEYRESQ.
La première image que notre trio découvrit fut une place de village avec sa fontaine, son église et son tilleul dominant un paysage grandiose. Ils constatèrent aussi qu’à côté de quelques maisons en bon état, existaient d’anciennes habitations à l’état de ruines ou dans un état de délabrement avancé. Et dans ce chantier, ils purent se joindre aux jeunes qui s'affairaient autours de chacune de ces ruines, maniant pioche et truelle dans un joyeux concert de marteaux enfonçant les clous dans les planches de mélèzes destinées à la rénovation des toits. La conduite de tous ces chantiers se faisait dans une ambiance bon enfant sous les conseils de l’entrepreneur local Simon RENE et de l’architecte attitré Pierre LAMBY.
Notre lapin côtoya ainsi des étudiants venant de l’ULG, de l’académie de Namur, de l’Université Royale de Gand, de l’ULB et de l’Ecole des Mines de MONS. Habitué à vivre en cercle fermé dans ses vieux murs de Gembloux, il profita au maximum des contacts liés avec des étudiants venant d’horizons différents et rentra au bercail enchanté par cette expérience.
En 1961, il partit une seconde fois de rejoindre les "étudiants bâtisseurs". Ce fut à son retour qu’il commença à faire part de ses expériences peyrescannes à ses condisciples de Gembloux.
Mais comme toutes les bonnes choses ont une fin, notre ancien, pour les vacances de l’été 1962, dut en rechercher personnellement le financement. Sachant que la Table Ronde de la ville de LIEGE offrait des bourses à des étudiants liégeois pour restaurer leur maison, notre ancien contacta le Table Ronde de Gembloux. Bien lui pris parce que lors de leur réunion, il y fit un exposé circonstancié sur le village de Peyresq, ce qui lui a permis d’obtenir une bourse pour continuer ses activités.
En 1963, notre vénérable ancien retrouva ses amis peyrescans et apprit sur place que les étudiants de l’Ecole des Mines allaient acheter une ruine dont le financement serait assuré par leur association d’anciens.
L’idée initiée par les montois ne laissa pas notre vieux peyrescan indifférent. Ainsi, par un jeudi d'avril 1964, lors d'une séance de Ciné-Midi, il commenta un film sur le projet de reconstruction du village de Peyresq qui intéressa plusieurs étudiants.
Tout s’accéléra ensuite car faisant partie du Comité des étudiants, il lance l’idée d’imiter les Montois. Ainsi, dès l'été 1964, l'ex-Président de l'AG Ir. J. STREBELLE (1964), deux autres étudiants, Ir. C. JOLY (1968) et Ir. D. THOEN (1968) et lui même formèrent la première délégation gembloutoise à se rendre à Peyresq.
Suite à ce séjour, Jean Pierre LEBACQ, Président de l'AG, rencontra en octobre 1964 Jacques ANSIAUX, Président de l'Association des Ingénieurs de Gembloux (AIGx), pour le convaincre de l'importance de la présence gembloutoise à Peyresq. Ses arguments firent mouche car après d’âpres discussions, l’idée de l’implantation des Gembloutois à Peyresq fut acceptée par la Commission Administrative de l'AIGx qui mandata Ir. Pierre DAGNELIE (1955) pour passer l'acte d'achat de la parcelle C212, sur laquelle trônait un amas indescriptible de blocs de pierres et de poutres de mélèze. La ruine fut achetée pour un montant équivalent à 2000 € d'aujourd'hui.
Ainsi, au mois d'août 1965, le mandaté partit à la rencontre du Notaire Henri DAUMAS pour acquérir la ruine C212 alors propriété de l'ASBL Pro-Peyresq. L'étude du Notaire était située à Annot, sur la place, le long de la Vaïre. Trouver l'étude fut chose facile. Par contre, il est vite apparu que le notaire ne devait pas fréquenter son étude en permanence.
Sur le conseil des habitants, Pierre a donc entreprit de parcourir les débits de boissons et autres lieux de réunion à la recherche du Notaire… Après l'avoir trouvé, ils s’en retournèrent à l'étude pour le passage de l'acte. Seconde difficulté, notre digne représentant avait un mandat de l'AIGx pour un montant de 26.000 FF. Or, le texte était libellé en nouveaux francs, soit 260 francs. A noter, la rigueur typographique de l’acte notarié !
L’acte fut passé en présence de Jacques WAFFELAERT, représentant Pro-Peyresq. Signatures suivies d'un ... bon pastis. Dès cet été 1965, la reconstruction de la parcelle C212 est entamée.
En septembre 1965, la Commission administrative de l'AIGx, sous l'impulsion de son Président, décida l'acquisition de la parcelle C211 (ancien four communal) qui jouxte la C212, et qui fut achetée au prix de 620 € plus 23.22 € de frais de notaire. Ce fut en août 1966 que Ir. Joseph DUBUISSON (1941), mandaté par l'AIGx, rencontra le notaire Daumas et Jacques Waffelaert pour passer l'acte d'achat qui a, selon toute vraisemblance, été ponctué d'un ou plusieurs pastis !
Ainsi, fin de l'été 1966 la ruine C212 devint "notre" première maison grâce aux nombreux étudiants qui ces deux étés-là participèrent au chantier. La seconde ruine fut relevée et mise sous toit en 1970, les deux bâtiments mitoyens formant ainsi la Maison de Gembloux à Peyresq.
En 1975, à l'occasion du 10ème anniversaire de la présence Gembloutoise à Peyresq, les étudiants fondèrent le Cercle Agro-Peyresq.
C'est en 1978 que la Maison de Gembloux fut baptisée. Elle s'appellera désormais Cérès[1], sur proposition du confrère Ir. F. DELECOUR (1949). Elle accueillera des étudiants durant leurs vacances d'été et d'hiver ainsi que pour réaliser des stages et travaux dans le respect de l'esprit humaniste initié en ces lieux bien des siècles auparavant, par l'illustre Monsieur de Peiresc.
[1] Dans la mythologie romaine, Cérès est la déesse de l'agriculture, des moissons et de la fécondité. Elle est associée à la déesse grecque Déméter.
Bien des années plus tard, en 1992, l'Assemblée Générale Extraordinaire de l'AIGx introduit dans ses statuts et règlement d'ordre intérieur un Cercle Agro-Peyresq (commission interne) en vue de gérer notre Maison Cérès.
Ce cercle gère toujours la maison dans le même esprit que celui des premiers étudiants bâtisseurs, favorisant le travail en commun afin que chaque Gembloutois qui y séjourne s'approprie ces murs en y mettant lui aussi un peu de sa sueur.
Sources:
- D'après les récits et textes de J.P. BARTIER, P. DAGNELIE et J. DENAYER.
Le chantier, toute une histoire…
Dans les lignes qui suivent, je vais tenter de vous narrer l'histoire de notre Maison Gembloutoise, ou plutôt l'histoire de sa renaissance. Le récit pourra vous paraître un peu "militaire" et fort descriptif, mais il permettra ainsi de voir quel a été ce formidable chantier qui, soit dit en passant, est toujours en cours et permet encore aujourd'hui de conserver la flamme des premiers étudiants bâtisseurs.
Or, donc, c'est en 1965 que la ruine sise sur la parcelle C212 est acquise par l'AIGx. Seule la cave voûtée, qui sert actuellement de stockage pour le bois, subsiste encore. L'année d'après, c'est la parcelle C211 qui fera l'objet d'une seconde acquisition gembloutoise. A l'époque, on sait déjà que sous cette ruine se trouve, à un emplacement encore énigmatique, l'ancien four communal où les Peyrescans venaient cuire le pain pour la semaine.
Des fouilles furent entreprises après le déblaiement des amas de blocs et bientôt les fouilleurs rencontrèrent, sous les gravats, une masse de poussière rougeâtre : du grès d'Annot pilé. Cette poussière était utilisée comme élément réfractaire dans les fours de l'époque : on était sur la bonne voie. La poussière fut mise en réserve dans des sacs de ciments vides. La coupole fut alors mise au jour, intacte, suivie de la pierre massive d'entrée du four avec sa battée finement sculptée. Cependant, il n'y avait aucune trace de la hotte en bois qui devait sans doute la surmonter, ni de la porte. La coupole surbaissée, en grès d'Annot à bandeau appareillé à bandeau à sec était admirablement conservée. D'un diamètre de près de trois mètres pour une hauteur libre de 1m20, ce four était relativement récent, le vieux four ayant explosé en 1930. Certains de ses éléments ont été réemployés comme pavement au début de la rue du Coulet, devant l'ancienne école.
L'ouverture d'enfournement, monolithe de 1 m de long sur 0,80 de large et 0,80 de haut, posée sur un seuil massif de 0,20 d'épaisseur, présentait malheureusement un léger affaissement. Mais il fut décidé de ne pas y toucher et de reconstruire la paroi frontale directement dessus. La poussière de grès réfractaire fut remise en place ainsi qu'un conduit d'évacuation des gaz détonnants branché sur l'ouverture existant au sommet de l'arche faisant linteau à la porte du four.
Le sol du local se présentait en contrebas de la rue du Four. Les clients y accédaient jadis par un escalier à vis dont les marches, énormes et trop lourdes pour être remontées, servent à présent de banquettes devant le four.
Dans le local laboratoire, à l'étage, au-dessus du four, le maître de l'ouvrage Lamby demanda une baie vitrée continue sur allège haute encastrant de multiples prises de courant là où il était prévu des fenêtres traditionnelles en hauteur à volets rabattants. A l'étage il était prévu de construire une galerie couverte qui dans le futur serait reliée à la galerie amorcée devant la maison Archimède.
C'est donc en 1966 que la première ruine est relevée, suivie en 1970 par la seconde, qui constituera le repère des Gembloutois dans ce bout de Provence. Dès cette année, divers travaux d'aménagement intérieur de la maison seront effectués, et cette dernière sera baptisée "Cérès" en 1978.
De 1993 à nos jours suivront alors divers travaux d'aménagement et d'entretient tels que le renouvellement des toitures de Cérès (1993), la construction d'une salle de bains au premier étage (1994-1995), le renouvellement des lits du dortoir (1996) et la pose d'un plancher sur la dalle de celui-ci (1999), l'installation d'un poêle à bois (1997), le carrelage de la salle de séjour et de la "chambre des anciens" (2000), l'aménagement de la terrasse (2001), l'aménagement d'un studio pour 4 personnes ("Virgile") dans l'ancien laboratoire d'entomologie (2008-2010)…
La maison continue d'être entretenue et aménagée au rythme des différents séjours et selon les capacités et la motivation des séjournants.
Sources:
- Rédigé par Ir. Pierre MARTIN (2011) d'après les récits de J. Denayer et P. Dagnelie
- Site internet de Peyresq Foyer d'Humanisme : www.peiresc.org
Nicolas Claude Fabri de Peiresc
Nicolas Claude Fabri de Peiresc (1580-1637)
Il me faut vous parler ici d'un homme hors du commun qui, au début du 17ème siècle, période secouée par les guerres civiles et de religion, fut un précurseur de la nouvelle pensée scientifique et un grand humaniste.
Nicolas-Claude Fabri naquit le 1er décembre 1580 à Belgentier, près de Toulon, au sein d'une famille d'origine pisane fixée en Provence depuis de nombreuses générations.
A 10 ans, le jeune Fabri, enfant prodige, parle le français, le provençal, le latin et étudie le grec. En 1600, Fabri obtient de poursuivre ses études de Droit à l'université de Padoue, accompagné de son frère qui fut aussi son ami le plus cher et le plus fidèle. Quatre ans plus tard, il soutient sa thèse de doctorat à Aix.
C'est à ce moment que son père lui fait don d'une petite terre qu'il possède, ("notre") Peiresc. Désormais, Nicolas-Claude devient Fabri seigneur de Peiresc.
Vers 1606, il se met à voyager frénétiquement. Il gagne l'Angleterre où il rencontre des historiens, des archéologues, des érudits célèbres. Puis, il part aux Pays-Bas, du Nord d'abord (Delft, La Haye, Amsterdam) puis du Sud (Anvers). Il passe ensuite par Bruxelles, Gand et Tournai, ville où il rencontra le chanoine de Winghe, un éminent botaniste qui lui enseigna les plantes rares et de précieuses connaissances. Car Fabri se passionne pour la botanique : le premier jardin d'acclimatation français verra d'ailleurs le jour grâce à lui.
Mais ce n'est pas là la moindre de ses passions. Sous l'impulsion des découvertes de Galilée, il se procure des "lunettes hollandaises" et observe les satellites de Jupiter, les phases de Vénus, la Lune sous toutes ses coutures et il découvre la nébuleuse d'Orion. A Aix, grâce à une éclipse de Lune, il détermine très précisément la différence de longitude entre Paris et Aix. C'est sa passion de l'optique, de la géographie et surtout de l'astronomie qui le fera se lier d'une amitié indéfectible au philosophe et astronome Gassendi, qui deviendra d'ailleurs son premier biographe. Il sera aussi l'ami du grand poète Malherbe.
En 1620, le voici en relations avec Rubens qui se repose sur ses qualités de juriste pour obtenir l'exclusivité sur les gravures exécutées en France d'après les oeuvres du grand peintre flamand. Mais là ne s'arrêtent pas ses activités.
En effet, Peiresc est aussi zoologiste. Ainsi, il a probablement introduit les premiers chats persans en France. En 1631, il étudie longuement un éléphant ramené à Aix d'Italie. Il réussit à peser l'animal contre 60 boulets de canon. Après l'avoir apprivoisé, il en vient – je le cite – "à ce point de curiosité que de lui mettre la main dans la bouche et de lui manier et empoigner une de ses dents maxillaires". Et ce n'est pas tant le naturaliste qui se manifeste ici que le précurseur de la pensée scientifique, curieux mais prudent, avide de vérifier par l'expérience. Près de Tunis, avaient été trouvés des ossements démesurés, aussitôt attribués par la crédulité populaire à quelque géant. L'opinion de Fabri était faite : il s'agissait du squelette d'un éléphant (d'Hannibal, probablement).
Cette anecdote est révélatrice de la personnalité de Fabri. Car si, comme la plupart des gens de son temps, il est empreint de superstition, jamais il ne tombera dans l'obscurantisme. Ainsi, en juillet 1608, une chose curieuse se produit à Aix : des "pluies de sang", apparitions brutales de taches sanglantes sur les pierres et les plantes de la ville, raniment les superstitions populaires. Peiresc propose une explication naturelle, scientifique : l'éclosion de chrysalides de papillons.
On pourrait croire que Fabri n'était qu'un intellectuel. Mais il fut aussi un homme très ancré dans les réalités et les problèmes de son temps. Dès 1607, il est reçu conseiller au Parlement de Provence. Il appuiera de toutes ses forces un décret aidant à acheminer le courrier vers Paris ; de plus, il organise à Marseille un "central" de distribution des lettres et colis vers l'Italie et le Moyen-Orient. Quand survient la peste en 1629, Fabri se bat contre celle-ci en ordonnant l'ouverture des colis et leur désinfection au vinaigre ou à la flamme.
Juriste de profession, zoologiste, botaniste, astronome, géographe, mais aussi, mille regrets pour cet oubli, historien, numismate, archéologue, héraldiste, physiologiste (il a découvert les chylifères de l'homme), Fabri n'a néanmoins jamais réussi à rien publier tant son ardeur était absorbée par son activité première : épistolaire.
Car que d'énergie dépensée pour écrire ses... 10.000 missives !
Bien qu'il ne reste aujourd'hui qu'une faible partie de celles-ci (sa soeur ayant eu l'inconscience, après la mort de Fabri, d'en utiliser beaucoup pour constituer des litières pour ses vers à soie ou tout simplement pour allumer du feu), ce mince reliquat de correspondance permet cependant de se faire une idée assez précise de la personnalité de Fabri et de ne l'admirer que plus.
Par son abondance elle-même, la correspondance de Fabri atteste de sa principale qualité : le sens de l'amitié.
A la lecture de ces lettres, l'homme apparaît clairement dans sa complexité : il est humble, modeste, il est généreux mais égocentrique, cyclothymique mais toujours passionné.
C'est cela aussi que mettent en évidence les lettres de Fabri : ses doutes, ses hésitations, sa difficulté d'allier sa rigueur scientifique et sa foi profonde, car toujours fut présente sa volonté de révéler l'authentique sous le falsifié.
Sans cesse jusqu'à sa mort le 24 juin 1637, Fabri garda le stoïcisme des Anciens qu'il admirait tant : stoïcisme face à ses doutes, ses désarrois, devant les bouleversements de l'histoire, face à la tuberculose qui l'emporta et dont il souffrait déjà à 30 ans.
Mais, me demanderez-vous, quel rapport y a-t-il finalement entre Fabri de Peiresc et notre bien-aimé village provençal ?
C'est vrai que, même si Fabri demanda à son frère de contribuer à une recherche sur les courants froids qui sortaient de la grotte du Grand-Coyer, il n'a pas marqué un vif intérêt pour cette seigneurie que son père lui légua. Toutefois, en y réfléchissant bien, ce grand humaniste que fut Fabri de Peiresc, s'il pouvait se promener aujourd'hui dans le village, voir et entendre vivre ceux qui s'y rejoignent en toute amitié, qui aiment la riche nature de Provence, qui s'adonnent à l'étude de ce ciel étoilé si pur, qui apprécient les choses de l'art, ne les considérerait-il pas un peu comme ses disciples ?
Car enfin, notre village ne suit-il pas la même vocation humaniste que Fabri, celle de réunir les hommes entre eux et avec la nature ?
Texte rédigé par Ir. Denis THOMAS (1988)
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